L’imagination large

Par Sylvain

Février dernier, « L’avion, plaisir coupable de l’écolo voyageur » est publié dans Le Monde (1). Je ressors de la lecture avec la sensation amère d’avoir soudainement une poursuite de théatre braquée sur mon rôle de supposé figurant. « L’escapade balinaise » ? On la connaitra dans 3 mois dans le cadre de notre voyage longue durée. Lyon-Montreal (équivalent du Paris-New York cité dans l’article) ? Je l’ai emprunté il y a 4 mois pour rendre visite à mon frère. Avec Cléa, nous sommes par ailleurs sensibilisés et acteurs pour préserver l’environnement autant que possible dans notre quotidien.
De là à parler de « plaisir coupable » ou de « schyzophrénie » du voyageur, il me semble que les mots sont trop forts et qu’il y a matière à débattre…

Mai dernier, je termine depuis Sulawesi en Indonésie la lecture de l’essai « Travelling » (2) avec le sentiment d’être droit dans mes bottes. Nous voyageons depuis plus d’un mois sans avions, quitte à « perdre » de longues heures à emprunter des bus et ferries locaux. Comme les deux auteurs, j’expérimente la lenteur, la relativité et la connexion terrestre (ou maritime) ininterrompue. C’est un plaisir, indéniable, bien davantage que d’emprunter l’avion aliénant et son poison de kérozène climaticide. Outre cette hiérarchie, dans aucun transport motorisé, l’avion comme les autres, je n’éprouve de quelconque enchantement candide. Si je me permets pourtant d’aller ça ou là, c’est que je juge a priori la découverte ou l’expérience plus inspirante et grandissante que le moyen n’est néfaste pour la Planète. Un pharmacien parlerait d’une balance bénéfice/risque positive, du moins j’aimerais mille fois qu’elle le soit et que la nature ne souffre aucunement de mon passage. C’est égoïste mais c’est sincère.

Juillet arrive, c’est en Thaïlande que nous entamons notre seconde semaine en selle et je crois que cette fois, enfin, je peux parler de plaisir sans culpabilité. On est libres à vélos et on ne consomme rien d’autres que nos propres calories. La pollution de l’air nous la subissons et n’y participons d’aucune manière. Idem pour l’impact carbone, hors nourriture. Si comme le disait Colette, « le voyage n’est nécessaire qu’aux imaginations courtes » alors à vélo nous éprouvons et assumons largement le besoin de rêver.

Bien sûr nous aurions pu, à l’instar de Sylvain Tesson repenti (3), parcourir et nous satisfaire des chemins noirs de France. Mais ça c’est une autre histoire et nous avons le souhait d’y prendre part au retour…alors, tels ceux qui l’affichent avec raison depuis des mois sur leur pancarte aux manifs pour le climat, tant et temps qu’il le faudra nous renoncerons avec apaisement à la folie du ciel.

(1) : L’article, en édition abonnés, est disponible intégralement à l’adresse suivante : https://eldiabloisakiller.blogspot.com/2019/02/lavion-plaisir-coupable-de-lecolo.html
(2) : « Travelling » de Tanguy Viel et Christian Garcin, J-C Nattes (2019)
(3) : « Sur les chemins noirs » de Sylvain Tesson, Gallimard (2016)

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