13 Mars 2020,
Ça y est on va rentrer en France dans une semaine, on est content d’imaginer un futur chez nous. Les émotions se mélangent entre l’appréhension du retour, la joie et l’envie de revoir nos familles et nos amis. Se pose la question de nos projets personnels et professionnels juste après notre retour. Toutes ces interrogations revenues mille fois dans nos esprits lorsque nous pédalions de longues heures dans ces paysages verdoyants. En attendant on profite de nos derniers instants de bonheur, en camping au bord de la plage de Santa Catalina.

Sauf
que, pif paf pouf… tout ça se déconstruit peu à peu et le rêve
de retour se complique. La crise sanitaire de l’Orient s’étend, plus
les jours passent au Panama plus l’étau se resserre. La vague arrive
d’abord sur l’Europe par l’Italie, l’Espagne, la France et puis au
fur et à mesure sur les pays du continent américain.
Le
14 Mars 2020, nous sommes à 4 jours de vélo de Panama City. Les
nouvelles mesures en France s’amplifient dans les informations que
nous écoutons en podcast radio. L’inquiétude monte et la
désinvolture des Français aussi apparemment…
Le
Panama ferma ses frontières aux vols européens le 14 Mars à
minuit, mais nous ne le saurons que plus tard. Toujours aucun mail
d’annulation de vol.
Le 15 Mars, le bruit court que le
président Macron va faire un discours et annoncer un confinement.
Tout cela se passe si vite et si lentement comme si le temps
s’étirait. Nous ne sommes pas surpris ni paniqués, soit grâce à
un pseudo sang-froid que nous aurions acquis durant ce voyage, soit
comme si, inconsciemment, nous nous doutions déjà de ce qui allait
arriver.
Le
16 mars à l’aube, la boule au ventre, ne sachant pas exactement ce
qu’il se passe, nous décidons de partir le plus rapidement possible
pour Panama City dans un bus, puis un autre, puis en taxi jusqu’à
l’aéroport, chargeant machinalement nos vélos dans le peu d’espace
disponible à chaque transport.
Nous sommes pour la 13ème fois, en un an, dans un pays inconnu. Mais là, c’est un peu différent. Nous pourrions être amenés à rester plus longtemps si les fermetures de frontières se confirment et se multiplient. Le climat au Panama se transforme, il n’est pas très favorable pour les européens dans les temps qui courent. En effet, les médias informent les pays d’Amérique que la vague de coronavirus se déplace et sévit maintenant en Europe.
Arrivés à l’aéroport, les bureaux de la compagnie sont fermés. Tous leur vols sont annulés, dont le nôtre pour le 23 Mars. Toujours pas de mail d’annulation dans nos boîtes mail… Nous avons la possibilité de les contacter par mail justement pour leur demander une solution de compensation. Ils nous répondent après 24h que nous avons la possibilité d’un « re-routage » par La Havane, que l’on devra payer de notre poche. Avec les vélos, il y aura des surcoûts.
Nos fidèles destriers tant adorés deviennent alors un brin encombrant. Le détachement matériel ne l’emportera pas cette fois, et nous les ramènerons jusqu’à bon port.
Nous décidons de se laisser un peu de temps de réflexion et de contacter l’ambassade. Celle-ci nous informe qu’aucun rapatriement n’est prévu pour l’instant et qu’il faut privilégier les solutions commerciales proposées. Ce sera la même chose jusqu’à la fin de la crise des rapatriements des français à l’étranger : aucun vol ne sera créé. Seuls des vols payants seront mis à disposition… des plus aisés donc.
À Panama, heureusement, nous sommes logés dans un hôtel pas trop cher et pas loin de l’aéroport. Pour nous y rendre nous avions dû passer par des voies rapides avec, comme avant chaque voyage en avion + vélo, des grands cartons d’emballage sur le porte bagage. Au moins on a presque tout ce qu’il faut pour emballer les vélos et mettre les voiles dès que possible vers l’Europe. Nous sommes donc en sécurité avec toutes nos affaires à ranger et trier, et un accès wifi pour rester informés.
Après 1 jour et demi de réflexion et de recherches de tous les vols existants vers la France, nous décidons d’accepter l’offre de « re-routage » de la compagnie. Les bureaux de la compagnie au centre ville de Panama sont ouverts, et nous devons nous y rendre pour y effectuer le changement de vol. On nous propose donc un vol le 21 Mars de La Havane à Madrid puis le 22 Mars de Madrid vers Bruxelles, les correspondances pour Paris étant complètes. On saisit l’occasion.
Nous devons maintenant acheter un vol de Panama jusqu’à la Havane avec nos bagages spéciaux, les vélos. Après deux heures d’attente dans les bureaux de la compagnie, nous avons enfin tous les renseignements nécessaires (prix, vols, dimensions bagages, prix bagages spéciaux).
Le coût des billets étant 10% plus élevés au comptoir, on les prendra sur internet.
Billets de retour en poche nous retournons à l’hôtel patienter avant notre départ et empaqueter les bagages. Direction Cuba.

À partir de là, les questions dans nos têtes se multiplient.
Où va t-on atterrir au final ? Madrid comme à l’origine ? Nous devrions ainsi arriver là-buis puis remonter à vélo vers la France sauf que là, on risque une quarantaine où plutôt une quinzaine dès notre arrivée à l’aéroport Barajas… Prise en charge par qui ? Dans et sous quelles conditions ?
Une modification de dernière minute sur la réservation nous semble bienvenue : le vol pour Bruxelles est annulé mais nous sommes remis sur un vol pour Paris.
C’est à n’y rien comprendre… Il était complet nous avait on dit. Bien décidés à rentrer chez nous, malgré les incertitudes, nous emballons les vélos dans les grands cartons rafistolés et préparons les bagages.
Malheureusement les événements ne se passent pas comme prévu. Arrivés à La Havane, la réservation de nos deux vols pour Paris a été annulée par la compagnie.
À minima nous arriverons à Madrid, une fois l’Europe atteinte nous rentrerons par voie terrestre peut-être (train, vélo si c’est encore possible). On s’envole donc pour Madrid déjà un peu rassurés de rejoindre l’Europe.
Arrivée
à Madrid : l’aéroport est presque vide. Peu de voyageurs sont en
transit, et la plupart sont en transit incertain. Les moyens
transports du pays sont au ralenti, l’Espagne est déjà fortement
touchée pas le virus. Donc il n’y a pas de train en circulation
vers la frontière franco-espagnole. Toutes les agences de location
de voitures sont fermées. On se demande comment on va bien pouvoir
rentrer… Le vélo devient une solution très tentante. Il nous
permettrait d’éviter les contacts avec quiconque et de rentrer
sans avoir à payer encore d’autres billets de trains, taxi, ou
bagages supplémentaires.
Mais nous apprenons qu’il est interdit
en France de se déplacer à vélo en dehors d’un trajet
professionnel ou pour faire ses courses.
Des vols pour la
France sont proposés par deux compagnies, la première avec des prix
faramineux et la seconde beaucoup plus accessible mais sur liste
d’attente.
Tant pis, on tente le coup de la liste d’attente, vu
que tout le monde est confinés, beaucoup de personnes ne se
présenterons probablement pas nous a t-on dit.
Nous achetons donc
le prochain vol pour Lyon, le lendemain. Et partons acheter quelques
victuailles en dehors de l’aéroport, celui-ci étant désert et ne
proposant que des sandwichs à 10€. On pic-nique, on téléphone et
on s’installe au chaud dans les duvets pour une petite nuit sur ce
carrelage d’aéroport top confort !
Réveil à 6h par la sécurité pour nous indiquer qu’il n’est pas possible de dormir dans l’aéroport, il faudra rester assis encore 10h pour attendre notre vol.
La journée passe et notre vol se rapproche, debout, nous fixons le tableau d’affichage
pendant la dernière heure avant le vol. Les gens se regroupent devant la porte, tout le monde semble être sur liste d’attente. On appelle des noms pour attribuer des places, ouf on est appelés. Puis encore 30 minutes plus tard, on embarque enfin.
À ce moment là, nous sommes sur un petit nuage, soulagés de rentrer là où nous aurons un refuge. Une heure et demi de vol plus tard, nous voilà à l’aéroport de Lyon, vide, les vélos sortent en derniers, nous patientons.

Puis nous nous dirigeons vers le Rhône Express afin de regagner le centre ville et notre repère de quinzaine.
Terminus Gare de Lyon Part Dieu, nous retrouvons alors un décor connu entouré
d’un contexte inconnu : le confinement.
Il ne reste que 1,5km jusque chez nos amis avec deux bagages de 17 et 18kg et les deux cartons des vélos de 18 et 20kg. Ce sera le kilomètre le plus long de tout le voyage, malgré la belle surprise des applaudissements de 20h…
Nous arrivons fatigués mais très heureux de revoir les copains, qui nous « décontaminent » devant leur porte et nous poussent dans la douche avec un balai (ou presque) !
Merci à eux, pour leur confiance, leur bonne humeur, et leur sérénité dans ce
confinement. Merci aux « indics » qui nous ont envoyé des infos en temps direct depuis la France sur l’évolution de la situation.
Bonne fin de confinement, et profitez-en pour revoir nos articles ou vidéos pour ceux qui en ont loupé !
vraiment bien vivant ce récit de fin!
bien compliqué aussi!
on sent bien que quelque chose se resserre autour de vous comme le confinement s’est resserré aussi autour de nous rapidement.
et merci de partager avec nous toutes ces belles images, cartes postales sonores, et récits de votre aventure.
vivement qu’on se serre dans nos bras!