Milagro sur les flots

Illustrations réalisées par Charles

Pour sûr nous n’étions pas des marins aguerris, juste des voyageurs un peu barges tentés par le large. D’Acapulco au Mexique à Playa Los Cocos au Costa Rica, nous aurons navigué plus de 2000km et vécu 20 jours en compagnie de cap’tain Bob sur le vaisseau Milagro.

Sous ses deux mâts en bois qui lui prêtaient des airs de voilier de collection à la « Rackham le Rouge », nous parcourions chaque jour son plancher de tek brut, entouré de rambardes d’acajou vernies, orné de winchs et passages de cordes en bronze massif, de 2 panneaux solaires et d’une petite éolienne en appoints.

Fidèles compagnons depuis 9 mois, des confins asiatiques de Singapour à Hanoi, les bicyclettes ne furent sûrement pas mécontentes de ce repos mérité. Nous croisions tout de même les doigts pour que la corrosion les épargne.

Au quotidien, nous assurions tour à tour nos quarts sous un large soleil, les yeux jonglant entre le large hypnotique, le ciel étoilé des traversées nocturnes et le gps de bord rassurant par son modernisme. Nous fîmes le maximum pour arriver à bon port en temps voulu, en assistant le capitaine dans ses manipulations de voile, principalement pour dresser, border ou choquer le fidèle working jib au près et/ou la grand voile et sa baume en vent de côté. Quand ce n’était pas une ancre à jeter puis remonter tant bien que mal, des cordes à arrimer à quais, des fenders à ajuster ou des voiles à couvrir.

Les impondérables, aussi, ne manquèrent pas : une patte d’alternateur fendue, un « générateur d’eau potable » capricieux, un génois déchiré sur 50cm après s’être coincé dans un éclairage, une baume avant fracturée, un rotor d’éolienne serré…

Nous plaisantions aussi parfois avec cap’tain Bob sur nos tocs de frenchies, son snobisme pour le café ou son aversion pour Trump et ne nous lassions pas de nos podcasts radiophonique dans les instants de solitude à la barre*.

Les premiers jours, au large du Mexique, du Guatemala puis du Salvador , nous assurions une modeste vitesse moyenne de 5 noeuds sur des mers plutôt calmes, aidés d’un bon vieux diesel 50Hp pétaradant. 5 noeuds, 9km/h, cette fois nous expérimentions réellement une lenteur presque inconnue, même à vélo ! Comme une ellipse spatiale et temporelle, nous trouvions ainsi le temps de repenser à nos folles vadrouilles à bicyclette, aux pays si variés que l’on avait eu l’infinie chance de traverser ces derniers mois, aux rencontres sur la route, aux amis et à la famille que l’on avait hâte de revoir.

La seconde semaine, portés par 4 voiles variablement utilisées et combinées (le mizzen, la grand voile, le working jib et le genois), nous connaissions de beaux épisodes de vent au large du Honduras et du Nicaragua où le bateau se cambrait puis adoptait cet angle caractéristique d’un « good sailing ».

L’aventure fut belle, dépaysante et très différente de notre quotidien de cyclo-voyageurs : alors que nos cuisses étaient d’ordinaire notre principale préoccupation corporelle, nous concentrions plutôt nos efforts sur le regard, la posture du dos en tenant la barre, ainsi que quelques gestes vifs de cordes. Une autre forme d’endurance.

Et puis l’océan, que l’on apprivoisait dans toute son immensité, sa surface toujours variable, ses vents tournants, son horizon décoré par le balais des astres ou des bateaux de pêche, sa profondeur et ses mystères.

Arrivés à bon port, nous connaissions une dernière frayeur en heurtant un rocher non-identifié sur le gps de bord. Rien de grave, le ballast était solide et notre vitesse lente. Le récif aussi restait indemne.

*On vous recommande ce reportage émouvant sur la rencontre de l’univers de la voile avec le monde carcéral :

http://www.rfi.fr/fr/emission/20190908-belle-evasion-rara-avis-ajd-aber-wrach-bretagne

À bon port !

Nous sommes bien arrivés au Costa Rica, après 18 jours très intenses passés en mer. Heureux d’avoir accompli ce joli défi 🙂

Tout juste débarqués à Playa del Cocos

En attendant un récit plus complet de cette aventure dans un prochain article, nous vous partageons le texte de notre cap’tain, Robert, à propos du passage le plus difficile de cette navigation : le Papagayo !

« We planned our passage to Costa Rica using the papagayos which were predicted to be in the 20 to 25 knot range from the NE which would yield a close reach through Nicaragua following the shore then a broad reach to Punta Santa Elena in Costa Rica. In the afternoon of the second day the winds began but dead on the nose so we tacked out using the working jib on the club foot and main which gave us 25 degrees into the wind but resuming our heading we began to miss Punta Elana slightly.

During the night the main had be dropped as the papa’s kicked in. During the morning the next day a wave broke on the deck blasting the working jib tearing the clew track right off the club. Resetting the working jib on the jib track we lost almost 10 degrees of heading missing Punta Elena by a lot sending us out to sea. Two days earlier we were told of a couple who got caught by the papas and were blasted out 300 miles. The wind continued to build to 30 knot range and we were still beating into the wind and intense waves losing more and more degrees off the mark. Around mid morning I took the helm for the next 8 hours scraping every fraction of a degree to gain back our losses tracking every maunucia in the jib telltales running engine to prevent losses when the jib luffed. It was a suffer fest of blasting water in your face as the waves built higher but then a new texture appeared on the water off in the distance as it hit 40 knots of horizontal mist flattening the wind waves. The boat surged in the waves and real gains in degrees began to accumulate and we hit the mark but the screeching wind blew out the bearings in the wind generator and compressed the main mast step from the pressure which has to be repaired. It pushed the for deck down more than an inch cracking beams with all the shroud and stays hanging limp.

The young French couple crewing were real champs taking every watch with grit but did remind me as we lay at anchor inside Punta Elena bay that I did warn them that there was the possibility of serious shit and there sure was. They have a good story to tell! »

On met les voiles, direction le Costa Rica !

Après 2 mois de voyages intenses et très variés au Mexique, de Tijuana à Acapulco en passant par La Paz, Ixmiquilpan, Mérida, Tulum, Bacalar, Palenque et Oaxaca, 1500km à vélo et le double en bus et ferry, nous nous apprêtons à prendre le large !

Depuis notre rencontre à La Paz, en Basse Californie, rendez-vous était pris avec Robert et son voilier « Milagro » double mât tout de bois vêtu de 38 pieds. Designer à la retraite, il a retapé lui-même le vaisseau depuis 2002 et s’est lancé dans l’aventure en Septembre : de sa ville d’origine Seattle, il navigue sur les eaux du Pacifique en direction du canal de Panama puis des îles Vierges où il prevoit d’accoster mi-2020. Nous sommes heureux et chanceux de nous joindre à lui pour réaliser la traversée d’Acapulco au Costa Rica avec nos 2 vélos à bord !

Les voiles « main genoa » et « floating genoa » sur le petit mât (avant) de « Milagro »

2 semaines de navigation au large des côtes du Guatemala, Salvador et Nicaragua qui promettent d’être riches en aventures et en défis marins !

L’arrivée au Costa Rica est prévue tout début Février, nous y retrouverons la soeur jumelle de Cléa, Betty !

L’imagination large

Par Sylvain

Février dernier, « L’avion, plaisir coupable de l’écolo voyageur » est publié dans Le Monde (1). Je ressors de la lecture avec la sensation amère d’avoir soudainement une poursuite de théatre braquée sur mon rôle de supposé figurant. « L’escapade balinaise » ? On la connaitra dans 3 mois dans le cadre de notre voyage longue durée. Lyon-Montreal (équivalent du Paris-New York cité dans l’article) ? Je l’ai emprunté il y a 4 mois pour rendre visite à mon frère. Avec Cléa, nous sommes par ailleurs sensibilisés et acteurs pour préserver l’environnement autant que possible dans notre quotidien.
De là à parler de « plaisir coupable » ou de « schyzophrénie » du voyageur, il me semble que les mots sont trop forts et qu’il y a matière à débattre…

Mai dernier, je termine depuis Sulawesi en Indonésie la lecture de l’essai « Travelling » (2) avec le sentiment d’être droit dans mes bottes. Nous voyageons depuis plus d’un mois sans avions, quitte à « perdre » de longues heures à emprunter des bus et ferries locaux. Comme les deux auteurs, j’expérimente la lenteur, la relativité et la connexion terrestre (ou maritime) ininterrompue. C’est un plaisir, indéniable, bien davantage que d’emprunter l’avion aliénant et son poison de kérozène climaticide. Outre cette hiérarchie, dans aucun transport motorisé, l’avion comme les autres, je n’éprouve de quelconque enchantement candide. Si je me permets pourtant d’aller ça ou là, c’est que je juge a priori la découverte ou l’expérience plus inspirante et grandissante que le moyen n’est néfaste pour la Planète. Un pharmacien parlerait d’une balance bénéfice/risque positive, du moins j’aimerais mille fois qu’elle le soit et que la nature ne souffre aucunement de mon passage. C’est égoïste mais c’est sincère.

Juillet arrive, c’est en Thaïlande que nous entamons notre seconde semaine en selle et je crois que cette fois, enfin, je peux parler de plaisir sans culpabilité. On est libres à vélos et on ne consomme rien d’autres que nos propres calories. La pollution de l’air nous la subissons et n’y participons d’aucune manière. Idem pour l’impact carbone, hors nourriture. Si comme le disait Colette, « le voyage n’est nécessaire qu’aux imaginations courtes » alors à vélo nous éprouvons et assumons largement le besoin de rêver.

Bien sûr nous aurions pu, à l’instar de Sylvain Tesson repenti (3), parcourir et nous satisfaire des chemins noirs de France. Mais ça c’est une autre histoire et nous avons le souhait d’y prendre part au retour…alors, tels ceux qui l’affichent avec raison depuis des mois sur leur pancarte aux manifs pour le climat, tant et temps qu’il le faudra nous renoncerons avec apaisement à la folie du ciel.

(1) : L’article, en édition abonnés, est disponible intégralement à l’adresse suivante : https://eldiabloisakiller.blogspot.com/2019/02/lavion-plaisir-coupable-de-lecolo.html
(2) : « Travelling » de Tanguy Viel et Christian Garcin, J-C Nattes (2019)
(3) : « Sur les chemins noirs » de Sylvain Tesson, Gallimard (2016)

Berlin, erster Halt !

22 Avril 2019, l’aventure commence 🙂

On prépare tranquillement le matos… on croise les doigts pour que tout passe dans les sacoches et ne dépasse pas 30kg chacun !

17h, départ en train de la « maison » franc-comtoise, direction Belfort puis Bâle puis Hambourg puis Berlin !

Après 18h de voyage, nous retrouvons Betty la soeur de Cléa et Pablo un ami de longue date. C’est parti pour une folle semaine berlinoise, l’occasion de roder nos montures et découvrir les fameuses pistes cyclables allemandes !