Thaïlande, face B

Vendredi 19 Juillet, nous quittons Bangkok de la même manière que nous y sommes entrés : en train, avec nos vélos embarqués direction Ayutthaya. Ce saut de puce vers l’ancien fief du royaume de Siam nous promet un dépaysement certain, tant les temples immémoriaux contrastent avec le modernisme de la capitale actuelle.
Sur place, nous profitons des quelques pistes cyclables et de l’échelle réduite de la zone pour bourlinguer.

Célèbre scène d’Ayutthaya

On apprécie les ruines végétalisées, l’alternance de briques et de stuc, les Bouddhas en veux-tu en voilà et l’ambiance intemporelle du coucher de soleil sur les stupas restantes malgré la destruction de la ville par les Birmans en 1767. Pour le reste, le tourisme est un peu trop envahissant sans parler des balades à dos d’éphants peu éthiques…

On se croirait dans Indiana Jones 🙂

Le week-end terminé, nous réenfourchons nos montures direction le parc national Khao Yai. 180km en 2 jours, sous une belle chaleur et surtout, grande nouveauté, avec 800m de dénivelé ! Pas toujours évident de choisir la bonne route, nous nous retrouvons d’abord sur une 2*3 voies peu ragoutante. Nous faisons presque coude à coude avec d’énormes camions qui peinent autant que nous dans les montées.

Rencontre impromptue d’un paysan cycliste

Heureusement, nous finissons par de beaux lacets dans la forêt primaire du parc aux sons des criquets et des chants d’oiseaux, croisant ça et là des macaques inofensifs. Le lieu vaut le détour : les forêts sont sublimes, les arbres de pluies, les lianes, les troncs emmelés et les feuillages de la canopée abritent d’innombrables papillons, gibbons et autre animaux fantastiques. Les célèbres éléphants d’Asie, parfois visibles dans les prairies, sont restés bien cachés et nous n’avons malheureusement vu que leurs crottes ! Sans parler des sangsues qui appŕecient particulièrement les chevilles de Cléa…

Prairies du Parc Khao Yai

Au camping, nous croisons des porc-épics, des biches peu sauvages et des singes espiègles (adieu pain de mie !). Les touristes thaïlandais comme français sont très curieux de nous voir à vélo dans ce lieu reculé truffé de pick-up et les discussions sont donc très ouvertes. Et nous profitons enfin de notre réchaud gaz pour cuisiner après avoir arpenté Singapour en vain puis Bangkok de fond en comble pour trouver la cartouche adéquate.

Porc-épics et colégram

Le 23 juillet, nous quittons Khao Yai et entamons une belle descente avant de rejoindre la plaine. Nous voici finalement à Sa Kaeo après une journée éprouvante à vélo: 130km sous une pluie continue et des projections de boue de camion…le rêve…
Ironie de l’histoire, ce soir nous logeons au « Sun Resort », parfait pour recharger les batteries au sec. Merci les copains, ce soir on utilise la cagnotte « Hôtel réconfort » 🙂

On est bien fatigués mais la soif du voyage prend toujours le dessus. Demain, déjà, si tout va bien, nous passerons la frontière du Cambodge pour de nouvelles aventures !

กรุงเทพมหานคร

Bangkok est unique. Déchainée, exhubérante, rugissante.
S’y déplacer à vélo requiert un éveil permanent, de bonnes réserves d’adrenaline et une petite dose de folie. En heures de pointes, les artères bondées n’autorisent qu’un slalom minutieux et laborieux, inspiré des 2 roues motorisés qui ne manquent pas de cracher leur venin gazeux sous vos narines à chaque feu rouge. Les taxis, vides et pressés d’attraper leur prochaine proie ou sommés de s’arrêter en des lieux incongrus pour contenter le client roi, sont de loin les plus dangereux cohabitants de la jungle urbaine. Les bus et surtout les tuk tuk gênent bien sûr le parcours idéal empreint de fluidité du cycliste mais vous amènent le charme de la vie locale sous vos yeux. Les voitures individuelles, elles, sont aussi fades, surdimensionnées et désespérantes qu’en nos lattitudes.

Le jour, pédales en mouvement, éfigies du nouveau roi, drapeaux tricolores et étandards jaunes bouddhistes défilent aux cornières de votre regard affuté comme un kaleidoscope bien rodé. À l’arrêt, les dorures et formes serpentueuses des innombrables temples tout comme les cuisines à ciel ouvert ou les écritures sinisées de Chinatown vous attirent vers l’exotisme d’une pause future. En levant les yeux, ce que vous ferez rarement tant il est délicat de perdre le fil du traffic, ce sont les gratte ciels et les métros « hors sol », édifiés ou en cours de l’être, qui vous enchanteront ou vous indigneront selon que vos anticorps s’accomodent encore à la fièvre expansionniste asiatique ou que vous venez de terminer le dernier numéro de la Décroissance.

La nuit, si vous avez la chance de pédaler à pleine vitesse sur une allée peu fréquentée, les néons scriptés ou décoratifs vous feront peu à peu perdre pied et vous y trouverez un refuge poétique impromptu dans la moiteur toujours ambiante. Si vous êtes, à raison, de la famille des éteigneurs d’enseignes publicitaires nocturnes, vous jeter dans cette tâche serait ici totalement désespérant. Contentez-vous alors d’apprécier les stupas sublimées par leurs projecteurs qui fleurissent comme des stalagmites en bordure du fleuve sale. Ou changez de sens, sentez les derniers effluves comestibles qui triomphent de l’azote carbonisé stagnant sur l’asphalte comme un brouillard tenace. Écoutez le roulis doux des langues orientales surpassé par le cliquetis des étals en cours de rangement qui se synchronise avec celui du dérailleur de votre partenaire d’aventure.
Touchez vos freins et rassurez vous, ils tiendront autant à la prochaine alerte urbaine que dans les montagnes une fois quittée la grande ville.
Revenez à la vue, laissez votre cerveau au repos et remémorez vous la vadrouille du jour le temps d’un décompte anodin de feu tricolore.
5-4-3-2-1…Bangkok.

Illustration réalisée par Charles

Love Green Farm

Tout juste arrivés à Bangkok, après 14h de train depuis la bourgade méridionale de Surat Thani, nous rejoignons Boon et son projet de ferme urbaine Love Green Farm dans la banlieue ouest de la mégalopole. Il est inscrit sur la plateforme HelpX et nous nous sommes donc « rancardés » par ce biais.

Nous y rencontrons une poignée de volontaires locaux et internationaux (Cécile, française et Benji, allemand, tous deux backpackers en Asie depuis plusieurs mois) qui s’affaire à donner vie aux parcelles de légumes (tomates, haricots, maïs rouge…) et d’arbres fruitiers (manguiers, bananiers, papayers, jacquiers). Ils gèrent aussi les à cotés de la ferme tels que les canaux d’irrigation, les mauvaises herbes à élaguer et bien d’autre chose.

Une parcelle de la ferme urbaine

Nous prenons nos marques, aidons autant que possible et redécouvrons des rudiments de maraîchage, bien différents de notre quotidien à bicyclette.

Seance de repiquage

Nous profitons égalemement d’échanges uniques et précieux avec les bénévoles thaïlandais qui nous apprennent à repiquer de jeunes plants, cuisiner le célèbre Pad Thaï et nous font visiter à leur sauce les rues de Bangkok.

Le Pad Thaï, fabuleux festin thaïlandais

La semaine passe, le défrichage et les semances progressent, nous nous autorisons quelques virées à vélo dans le centre-ville et échangeons régulièrement avec Boon, notre hôte. Voici, en version originale, les quelques questions que nous lui avons posées 🙂

When did you start this project?

5 July 2018, with my 2 hands!

What motivated this green/organic farm project?

I want to do a clean food campaign for all life. I love the earth and I want to protect it.

What do you think about the nature place in Bangkok and about the pollution (air/soil)?

A lot of pollution here, we have only few parks and green places to purify more than 100 tons of pollution a day. It’s impossible to have clean air and clean food in Bangkok if half of the people is still silent !

How do you deal with the difficulties to make plants and vegetables grow well in Thailand and Bangkok?

I do what I can when I can! I deal with positive thinking! This is very important to fight for the earth 🙂

Is HelpX a good source of volunteers for you?

Definitely yes, I just show my ideas. Then people read and think about it. If they like it they come, most of the time they are very kind people! The four of you have a lot of energy and a strong passion to build your mind and achieve your goal. This is very good for my own learning and encourage me to be patient to win this campaign!

How do you find other volunteers?

I have a Facebook page, a volunteer website, and I am in some online volunteers group. So I can post my ideas and my activities to invite them to join it 😀

How do you manage them?

I just talk to them, tell them what I want and listen what they want. As soon as they understand the goal, everything is automatic as it should be! Looks easy but sometimes it’s not if I need to deal with uncontrollable things such as big rain! haha

What’s next ? How do you see the future of the farm ?

 Plant, plant, plant, and plant as much as I can!  I see the future farm as a little forest that can feed people living nearby and be a model of sustainable agriculture 🙂

Un grand merci à Boon et aux volontaires pour leur accueil et longue vie à la ferme urbaine !

Si vous êtes de passage à Bangkok et que vous souhaitez participer au projet : https://www.helpx.net/host.asp?hostid=93305

Thaï la route

Juin touche à sa fin et nous atteignons en une matinée de vélo, depuis Kota Bahru, la frontière thaïlandaise. Avec un peu d’appréhension au vu des commentaires glanés ça et là (« crossing here can be dodgy during periods of sectarian violence », dit par exemple le Lonely à propos de supposées tensions musulmans-boudhistes), nous rentrons au royaume de Siam sans aucun souci, sans aucun frais ni aucune question tatillonne du douanier qui se fend même d’un « good luck » une fois le tampon apposé 🙂

Nous choisissons de nous rendre à la gare la plus proche (la première que nous rencontrons depuis Java) et empruntons, pour « gagner » quelques kilomètres un train en classe ultra-économique direction Hat Yai. Le voyage est détendu, les vélos bien calés le long des fenêtres grandes ouvertes, quelques collines apparaissent au loin et une famille musulmane, du bébé à la grand mère voilée, nous accompagne.

En voiture Matcha !

Hat Yai nous donne un premier aperçu des « traits » thaïlandais : des bâtiments colorés et fringants, souvent ornés de publicités sans intérêt, surplombent des échopes charmantes où la nourriture a une place de choix. Quant à la caligraphie thaï, tout comme la langue parlée : c’est beau mais absolument pas compréhensible ni imitable pour un.e non initié.e. Les choix d’itinéraires cyclables promettent !

Un temple flambant neuf sur la route

À ce propos, nous attaquons Juillet par d’agréables routes de campagne dans la province de Songkhla. Au menu : des temples aux toits sculptés et dorés souvent jouxtés d’un Bouddha, des champs d’hévéas à perte de vue, reconnaissables à leur petite coupole individuelle en vue de collecter la sève caoutchouteuse, toujours ces maudits palmiers et…des chiens ! Ils ne nous avaient pas manqué les bougres : la Malaisie avait plus ou moins banni le canidé pour le plus grand bonheur de Sylvain mais revoici les bestiaux en nombre. On s’alerte mutuellement à la vue des « kiki nounous » plus ou moins terrifiants, pousse un peu sur les pédales pour déguerpir et, jusqu’à aujourd’hui, conservons des mollets indemnes.

Une forêt d’hévéas parmi tant d’autres

Nous campons au bord d’un joli lac, accueillis par la guingette locale où nous avions préalablement bien diné. Au crépuscule, adultes et enfants du coin nous scrutent monter la tente tandis que les derniers bateaux de pêcheurs agrémentent l’horizon.

Lac de Songkhla à la tombée du jour

2 Juillet, nous mettons le cap vers Trang où nous avons un contact prometteur via Warmshowers. Cette première traversée vers la côte Ouest rime avec dénivelé et nous nous faisons donc les cuisses sur des bosses de plus en plus fréquentes et amples. La jungle alentour est belle et le mercure grimpe à vue d’oeil. On dépasse les 40°C facile, heureusement qu’il y a les pauses « thé au lait glacé » ou « Cha ». Nous mettons 2 jours pour atteindre la bourgade, en s’autorisant au passage une virée vers une jolie cascade. Kim, sosie anguleux de Bruce Willis et originaire de Pensylvanie, nous accueille chaleureusement dans sa petite famille : From US oblige, ce soir c’est KFC. La soirée est super, Kim, prof d’anglais dans un collège-lycée, nous distille des anecdotes sur les spécificités de l’éducation thaï puis évoque ses sorties vélo et les innombrables cyclistes accueillis chez lui. Ça donne du coeur à l’ouvrage !

De Trang nous rallions Krabi en 2 jours de pédalage régulier, on se trouve un bon rythme même si Cléa ne manque pas de distribuer les « Lance Armstrong : pas trop vite ! » Au passage nous explorons un lac couleur émeraude, l’eau y est douce mais l’ambiance un peu trop touristique à notre goût.

Quand Thailande rime avec Disneyland…

Krabi, coincé entre d’immenses mangroves découvertes à marées basses et des falaises aux silouhettes défiants la gravité, a un charme indéniable. Nous tombons encore plus sous le charme à Railay, la péninsule adjacente, qui nous donne instantanément envie d’enfiler chaussons et baudriers pour varaper. N’ayant cependant pas très envie de louer à prix d’or ni de suivre un cours pour débutant, on se contente largement des quelques sentiers escarpés et d’un merveilleux lagon difficilement accessible.

Railay en grand angle

Le 6 Juillet, nous reprenons la route vers le Nord et Surat Thani. Après 180km de vélo -« montagne russe » plutôt sympas, un défilé et un match de foot immortalisés au passage, nous arrivons à Surat Thani.

Défilé de village, à l’improviste
Match de foot local, avec commentateur s’il vous plait !

Le temps de stocker les vélos en lieu sûr et nous voilà embarqués pour une semaine sur les îles Koh Phangan et Koh Tao. Youpi, on va faire de la plongée !